l'animal révèle en pleine lumière l'effort d'une existence jetée dans un monde dont elle n'a pas la clef
« l'originalité de la vie animale ne peut pas apparaitre tant qu'on lui pose, comme c'était le cas de beaucoup d'expériences classiques, des problèmes qui ne sont pas les siens. La conduite du chien peut apparaitre absurde et machinale tant que le problème à résoudre pour lui est de faire fonctionner une serrure, ou d'agir sur un levier ». L’erreur de Descartes, qu’on peut qualifier d’anthropocentrique, tient à ce de ce qu’il raisonne au sujet de l’animal, qu’il en fait un objet de représentation et de réflexion, au lieu d’être attentif à ce qu’on percevoir de lui, à la sensibilité à sa condition, comme nous a appris à le faire la philosophie phénoménologique : « C'est parce que l'animal est le centre d'une sorte de « mise en forme » du monde, c'est parce qu'il a un comportement, c'est parce que, dans les tâtonnements d'une conduite peu sûre, et peu capable d'acquisitions accumulées, il révèle en pleine lumière l'effort d'une existence jetée dans un monde dont elle n'a pas la clef » (ibidem), que son existence nous est familière et compréhensible.
Maurice Merleau-Ponty : Causeries